Just Do It : Comment Nike a transformé une crise en opportunité

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Comment les entreprises peuvent-elles tirer parti de la transparence pour atténuer les risques et augmenter leur valeur ? Comment faire d'une crise une opportunité de croissance ?

En avril 2005, Nike a surpris le monde des affaires en publiant soudainement sa base de données mondiale de près de 750 usines dans le monde entier. À l’heure actuelle, aucune loi n’oblige les entreprises à divulguer en toute transparence l’identité des usines ou des fournisseurs qui composent sa chaîne d’approvisionnement mondiale. Pourtant, entre le début des années 1990 et 2005, Nike s’est profondément transformée. Alors qu’elle niait auparavant toute responsabilité à l’égard des conditions de travail inhumaines dans ses usines, elle encourage à présent les autres entreprises à tout divulguer – une transition stratégique qui illustre comment les entreprises peuvent tirer parti de la transparence pour atténuer les risques et augmenter leur valeur.

David Doorey (York University) a étudié en profondeur cette transformation, à l’aide d’une étude de cas fondée sur des entrevues avec les dirigeants de l’entreprise, des professionnels de l’industrie expérimentés en gestion des pratiques de travail au sein de la chaîne d’approvisionnement ainsi que des représentants syndicaux et d’ONG qui ont fait pression pour que les entreprises divulguent les noms de leurs usines. Au début des années 1990, les dirigeants de Nike ont commencé à comprendre que les nombreux rapports sur les conditions de travail abusives dans les usines de leurs fournisseurs constituaient un risque pour leur image de marque. La réaction habituelle de Nike, qui consistait à nier toute responsabilité à l’égard des conditions de travail dans ces usines, ne satisfaisait plus un nombre croissant de clients. De plus, des activistes sociaux, des universitaires et des journalistes ont entrepris une campagne coûteuse contre Nike en réaction aux images d’enfants en train de coudre des ballons de soccer et des chaussures de sport Nike diffusées dans les médias.

Les dirigeants de Nike se sont rendu compte qu’ils devaient mettre en place une nouvelle stratégie pour parer aux critiques croissantes et améliorer le rendement de leurs fournisseurs. Après avoir créé un nouveau service des pratiques de travail responsable de mettre en œuvre son code de conduite et de surveiller son application, Nike a instauré une série de changements organisationnels conçus pour lui permettre de mieux surveiller les sources de risques liées aux pratiques de travail de ses fournisseurs.

Ces changements comprenaient:

  • Vérifications de base : Nike a mis en place le système de surveillance interne SHAPE conçu pour déterminer, à l’issue d’une évaluation initiale, si une nouvelle usine proposée était au moins en mesure de respecter son code de conduite. Les usines qui présentaient un risque élevé subissaient également une « vérification M » plus approfondie.

  • Création d’une division de responsabilité et de conformité de l’entreprise : la haute direction a créé une nouvelle division regroupant plusieurs services afin de mieux intégrer les questions liées à la responsabilité à l’échelle de l’entreprise. Ce service a permis de réunir plusieurs employés spécialisés en développement durable et en conformité pour travailler à l’échelle des groupes de produits.

« Les entreprises peuvent difficilement se cacher des médias et devraient remplacer les stratégies défensives par des stratégies proactives qui tournent la surveillance et l’application des codes – et à terme, la divulgation complète – à leur avantage. »
  • Nomination de gestionnaires sur le terrain : Nike a nommé des gestionnaires sur le terrain dans plusieurs régions. Ces gestionnaires étaient responsables de surveiller la conformité au jour le jour avec les lois du travail et le code de Nike.

  • Création d’une base de données mondiale : Le siège social a mis sur pied une base de données détaillée pour assurer un suivi de la chaîne d’approvisionnement mondiale et consulter des vérifications effectuées sur le terrain.

  • Examen d’experts externes : En 2004, Nike a invité un groupe d’experts à examiner une ébauche de son rapport sur la responsabilité sociale de 2004. Le comité a conclu que Nike ne recevrait pas la reconnaissance qu’elle souhaitait obtenir de la part des ONG tant qu’elle ne publierait pas les noms et les adresses de toutes les usines dans sa base de données. Ces systèmes de suivi et d’application ont renforcé la confiance à l’interne, qui constituait une condition nécessaire avant de publier cette liste à l’externe en 2005. Nike a transformé cette décision sans précédent en une occasion de marketing lucrative dont les avantages dépassaient les risques que la divulgation des usines faisait peser en termes de concurrence. Nike a publicisé sa nouvelle transparence comme une preuve de son nouvel engagement à l’égard des pratiques de travail. En réalité, l’entreprise a transformé sa politique de divulgation complète en médaille d’honneur au sein de l’industrie du vêtement. À la lumière des avantages que Nike a retirés de cette décision, un grand nombre de ses concurrents ont également publié leurs listes d’usines, dont Levis, Timberland, Puma, Adidas et Reebok.

Quels enseignements pouvez-vous tirer de l’expérience de Nike?

1. Un mécanisme de surveillance systématique de la chaîne d’approvisionnement peut aider à remédier aux pires pratiques. De plus, il est fondamental de mettre en place ce type de mécanisme avant de pouvoir instaurer une plus grande transparence. Tant que vous ignorez la situation, vous ne pouvez pas la corriger.

2. Les stratégies défensives ne constituent pas une approche réaliste à long terme. Les entreprises peuvent difficilement se cacher des médias et devraient remplacer les stratégies défensives par des stratégies proactives qui tournent la surveillance et l’application des codes – et à terme, la divulgation complète – à leur avantage.

Doorey, David J. (2011) The Transparent Supply Chain: from Resistance to Implementation at Nike and Levi-Strauss. Journal of Business Ethics, 103, 587-603.

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