Les entreprises et la résilience face à la crise sanitaire de la Covid-19

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La résilience organisationnelle apparaît aujourd’hui, plus que jamais, comme une capacité que toute entreprise doit chercher à développer.

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a souligné la vulnérabilité des entreprises face à des événements perturbateurs de grande ampleur. Cette crise n’a épargné aucune entreprise, quelle que soit la taille ou le secteur d’activité. C’est pourquoi, la résilience organisationnelle apparaît aujourd’hui, plus que jamais, comme une capacité que toute entreprise doit chercher à développer. Alors que les réponses à une crise issue du contexte concurrentiel sont connues, les entreprises semblent être démunies face aux crises qui émanent du macro-environnement. Dans un article récent [1], nous avons étudié comment le développement d’une capacité dynamique de résilience peut permettre aux entreprises de faire face aux événements perturbateurs issus du macro-environnement. La réponse de certaines entreprises à la crise sanitaire de la Covid-19 nous permet d’illustrer notre article par des exemples concrets et récents.

La résilience organisationnelle est définie comme la capacité à faire face aux dangers imprévus, à apprendre de ces dangers et à rebondir après les avoir gérés. Il existe deux niveaux de résilience : la résilience passive et la résilience active. La résilience passive est définie comme l’aptitude d’une organisation à absorber un choc sans mettre en œuvre de changements importants et à retrouver son état initial après avoir surmonté ce choc. Cette aptitude dépend de la flexibilité et de la capacité d’adaptation de l’organisation c’est-à-dire son aptitude à faire évoluer ses routines.

Pendant la crise sanitaire de la Covid-19, certaines entreprises recevant du public ont fait l’objet d’une obligation de fermeture. Certaines de ces entreprises notamment des restaurateurs, des magasins de bricolage, ou encore des librairies[2] ont fait preuve de résilience passive en modifiant leurs méthodes de vente par la mise en place d’activités de livraison et de retrait de commandes passées sur internet. Cela a nécessité la modification des routines organisationnelles marquée par la prise en charge à distance du client, la mise en place d’un service de retrait, la préparation des commandes par les salariés etc. La résilience passive de ces entreprises leur a donc permis de réduire l’impact de la crise à travers la mise en œuvre de changements mineurs.

La résilience active se caractérise par des activités proactives et nécessite de mettre en œuvre des changements plus importants à travers la modification des ressources et compétences. Pour faire face à la crise sanitaire, certaines entreprises ont su reconfigurer leurs ressources et compétences dans une optique de modification de la production ou de leur activité. Par exemple, l’entreprise normande Lemoine[3] spécialisée dans la fabrication de coton-tige et de disque à démaquiller a transformé sa production pour fabriquer des écouvillons. L’entreprise toulousaine Applications Laser Sud-Ouest[4] - spécialisée dans la découpe au laser de toutes sortes de matériaux : plastiques, métaux, verres - a adapté son activité dans la fabrication d’écrans vitrés à poser sur les comptoirs des points de ventes (commerces, pharmacies). Cette adaptation de la production a sauvé l’entreprise qui aurait dû fermer car son activité s’était arrêtée faute de commandes suffisantes.

Pendant une épidémie, la résilience n’est pas seulement l’affaire des entreprises, elle concerne tous les acteurs de la société. Si la crise sanitaire de la Covid-19 a illustré la résilience des entreprises, elle a également mis au jour l’aptitude de ces dernières à se mobiliser pour contribuer à la résilience collective. Les entreprises ont en effet modifié leurs lignes de production pour fabriquer du matériel de protection (masques, gels hydroalcooliques, lunettes de protection, blouses) qui a été distribué aux autorités publiques témoignant ainsi d’une solidarité pour contribuer à endiguer l’épidémie. Ainsi, certaines distilleries et entreprises de cosmétiques ont modifié leurs lignes de production pour fabriquer des solutions hydroalcooliques. Par exemple, au Québec, l’entreprise Cirka[5] a réorienté sa production afin de produire du désinfectant pour les mains. Le but était d’une part, de pallier les difficultés financières générées par la baisse des activités mais surtout de distribuer ces produits aux professionnels de la santé et aux hôpitaux. Cette réorientation de la production a été facilitée par les similarités qui existent dans les premières étapes de fabrication de spiritueux et de désinfectant. Néanmoins, même si Cirka avait la capacité à produire du désinfectant, elle avait besoin de certains ingrédients (glycérine, peroxyde d’hydrogène, bouteilles pour contenir le gel) dont elle ne disposait pas et qui ont été collectés à travers un appel aux dons[6]. L’entreprise a également reçu la promesse du gouvernement d’offrir les moyens de modifier les installations afin de faciliter la transformation de la production. La résilience collective apparaît donc comme un processus dynamique nécessitant des interactions avec l’ensemble des acteurs de l’environnement. Dans cette même veine, les entreprises du textile se sont lancées dans la fabrication de masques en tissu.

D’autres entreprises dont l’activité est très éloignée du textile ou de la distillerie ont quant à elles chercher à apporter leur aide d’un point de vue logistique. Ainsi, au Québec, l’entreprise Vertdure, spécialisée dans l’entretien de pelouse s’est convertie en distributrice de masques[7]. Avec sa flotte de 300 camions, l’entreprise a pu mettre en place une logistique permettant de collecter des masques auprès de ceux qui en avaient et de les distribuer aux hôpitaux et aux cliniques.

Tous ces exemples illustrent, qu’au-delà de leur activité marchande, les entreprises savent le moment venu, exercer leur rôle social. De cette façon, durant cette épidémie, les entreprises ont su être elles-mêmes source de résilience pour la société.

[1] [1] Altintas G. (2020). La capacité dynamique de résilience : l’aptitude à faire face aux événements perturbateurs du macro-environnement. Management & Avenir, 115 : 113-133.

[2] https://www.youtube.com/watch?v=BlykQzq3WWk

[3] Emission C à vous du 27/05/2020 diffusée sur France 5

[4] https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/coronavirus-toulousain-fabrique-ecrans-comptoir-employes-commerces-pharmacies-1803360.html

[5] https://quatre95.urbania.ca/article/entrepreneuriat-et-covid-19-se-revirer-sur-un-10-onces-avec-cirka-distilleries

[6] https://journalmetro.com/local/sud-ouest/2442854/distillerie-productrice-de-gel-desinfectant/

[7] https://www.journaldemontreal.com/2020/03/30/une-entreprise-dentretien-de-pelouse-se-transforme-en-distributrice-de-masques-n95


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