Préparer l'entreprise aux changements climatiques

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Les changements climatiques représentent un défi majeur pour les entreprises qui doivent s'adapter : 4 étapes pour préparer votre entreprise.

Chaque mois, le REDD met en lumière un défi clé pour les dirigeants d'entreprises en matière de développement durable. Ces défis ont été identifiés par le Conseil des Leaders du REDD, un groupe d'entreprises canadiennes reconnues pour leur leadership en matière de développement durable.

Dr. Jonatan Pinkse (École de gestion de Grenoble) et Mme Federica Gasbarro (École supérieure Sainte-Anne), proposent quatre étapes que les entreprises peuvent mettre en œuvre pour se préparer à une ère de phénomènes météorologiques extrêmes.

L'importance de s'adapter

L’intensité et la fréquence croissante des ouragans qui frappent l’Amérique du Nord ne constituent qu’un seul aspect de l’impact des changements climatiques. Cependant, les ouragans Katrina (2005), Ike (2008) et Sandy (2012) suscitent de nombreux débats. Les phénomènes météorologiques extrêmes nous font prendre conscience de notre vulnérabilité face aux forces de la nature qu’il nous est impossible de contrôler.

Les nouvelles discussions sur l’impact physique des changements climatiques relancées depuis l’ouragan Sandy témoignent d’un changement important dans le débat sur les changements climatiques. Notamment, la nécessité de s’adapter est plus largement reconnue. En effet, il n’est pas possible de prévenir entièrement les phénomènes extrêmes en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (atténuation). Certaines répercussions physiques sont simplement inévitables et la société doit se préparer à y faire face (adaptation). S’adapter n’est pas synonyme de baisser les bras; l’adaptation constitue une approche réaliste pour faire face aux changements climatiques.

L’adaptation constitue une solution pertinente pour la société autant que pour les entreprises puisque les répercussions du climat physique sont source de problèmes pour les entreprises – par exemple, problèmes liés à la disponibilité des ressources, à la sécurité du personnel, des installations et de l’exploitation ainsi qu’à l’évolution des marchés. Cependant, les effets sur les entreprises varieront considérablement, de même que les mesures de préparation efficaces. Comment les gestionnaires peuvent-ils déterminer ce que signifie l’adaptation pour leur entreprise et quels changements seront nécessaires?

4 étapes pour les entreprises

Étape 1 : Comprendre dans quelle mesure l’entreprise est exposée et vulnérable aux impacts

Une étude récente sur l’adaptation de l’industrie pétrolière aux changements climatiques a permis de constater que l’évaluation des risques et de la vulnérabilité constitue la première étape cruciale du processus d’adaptation. Cette analyse nécessite un changement de mentalité. Au lieu de penser à l’impact de votre entreprise sur l’environnement, vous devez apprendre comment l’environnement soutient les activités de votre entreprise : par exemple, en procurant de l’eau et d’autres ressources nécessaires à l’exploitation. (Le guide des services écosystémiques du REDD peut vous aider à effectuer cette évaluation.)

Une fois que vous avez compris comment votre entreprise dépend de certaines ressources naturelles, vous devez également comprendre l’impact que les changements climatiques physiques peuvent avoir sur ces ressources, ainsi que sur d’autres aspects de votre entreprise. Quels phénomènes graduels et extrêmes seront provoqués par les changements climatiques? Quelle sera leur ampleur et leur fréquence, quand ces phénomènes se produiront-ils et quelle est la probabilité qu’ils se produisent? Vous pouvez consulter le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat pour obtenir une vue d’ensemble mondiale de ces changements ou des rapports de recherche régionaux pour de plus amples renseignements sur certaines régions en particulier (p. ex. Ressources naturelles Canada, le US Global Change Research Program, le Conseil des sciences, de l’ingénierie et de l’innovation du Premier ministre de l’Australie).

Par exemple, les changements climatiques physiques pourraient se répercuter sur :

  • l’infrastructure de l’entreprise : p. ex., personnel, usines de production, exploitation et chaînes d’approvisionnement. Par exemple, la fonte du pergélisol pourrait nuire gravement aux activités pétrolières dans l’Arctique. La saison de forage s’en trouverait raccourcie et les entreprises devraient également faire attention aux icebergs flottants.

  • l’offre, la demande et la concurrence sur les principaux marchés. Par exemple, les températures extrêmes augmentent considérablement la demande en chauffage et/ou en réfrigération. Pendant ces périodes de pointe, la demande d’électricité et de gaz pourrait dépasser l’offre. Or l’expansion des infrastructures énergétiques actuelles peut nécessiter des investissements considérables.

  • la réglementation et autres cadres établis, y compris les relations avec les communautés et les industries locales. Par exemple, la pénurie croissante en eau peut créer des conflits entre les entreprises et les communautés locales et nécessitera peut-être de nouvelles réglementations.La vulnérabilité doit être considérée dans une perspective générale. Les changements climatiques peuvent avoir des répercussions sur les activités financières, stratégiques et juridiques des entreprises. Par exemple, la disparition du pergélisol augmente le risque de déversements de pétrole. Comme le montre la récente marée noire provoquée par BP, les déversements de pétrole peuvent avoir d’importantes conséquences financières et juridiques et être à l’origine de bouleversements stratégiques, voire mener à la faillite.


Une fois que vous avez évalué vos risques et votre vulnérabilité, vous pouvez commencer à réduire les risques qui dépassent un seuil acceptable.

Étape 2 : Faire appel à la technologie pour réduire sa vulnérabilité

Vous pouvez commencer à réduire les risques en adoptant des solutions techniques afin d’aider les entreprises à adapter leurs activités. Les entreprises peuvent élaborer ou adopter de nouvelles normes liées aux changements climatiques. Elles peuvent modifier certains aspects tels que l’entretien, les matériaux, les installations, les actifs et l’ingénierie des processus. Par exemple, l’industrie pétrolière met au point des normes particulières pour ancrer les plateformes de forage en mer pendant la saison des ouragans. Si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements sur ces normes et ces changements, vous pouvez consulter votre association professionnelle. Les consultants peuvent également vous venir en aide.

Aussi, les solutions techniques s’efforcent souvent de réduire la dépendance aux ressources naturelles touchées en réduisant la consommation et en favorisant la réutilisation et le recyclage – par exemple, pour faire face à la raréfaction de l’eau.

Étape 3 : Diversifier pour continuer de réduire les risques

Les changements climatiques physiques pourraient devenir tellement importants que les solutions techniques ne suffiront pas pour y faire face. Par exemple, les impacts pourraient influencer les décisions concernant les volumes de production au point où la modernisation des installations ne constitue pas une solution économiquement viable. La production pourrait être interrompue pendant de longues périodes et empêcher l’entreprise d’honorer ses contrats. Dans ce cas, les entreprises devraient choisir de diversifier leurs régions géographiques ou leurs produits.

Déplacer une usine constitue une mesure radicale qui pourrait convenir aux anciennes usines situées dans des régions à risque. Mais bien que la relocalisation d’installations existantes peut éviter d’importants coûts de réparation, les coûts de renonciation peuvent être trop élevés et contraindre les entreprises à amortir trop rapidement leurs investissements.

Une approche moins coûteuse consiste à diversifier géographiquement les nouveaux investissements seulement. Si l’on tient compte des risques liés au climat, certains endroits peuvent devenir plus attrayants que d’autres. Par exemple, l’industrie pétrolière commence à investir davantage dans des installations terrestres plutôt que dans des plateformes en mer, qui sont davantage exposées aux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes.

Il est également possible de s’adapter en diversifiant les produits et les actifs. Bien que ce type de diversification puisse sembler moins radical, il peut néanmoins changer fondamentalement l’orientation stratégique de l’entreprise.

Étape 4 : Se préparer aux phénomènes extrêmes et perfectionner ses compétences en gestion de crise

Si votre évaluation des risques et de la vulnérabilité révèle que certains phénomènes climatiques extrêmes (p. ex. ouragans, tempêtes, inondations, feux de forêt, sécheresse, etc.) sont inévitables, vous devez améliorer la résilience de votre entreprise et sa capacité à faire face aux crises. Voici certaines mesures particulières que vous pouvez prendre :

  • Faites appel à des instruments financiers pour partager et répartir les risques. Prenez une assurance ou tenez compte des risques physiques dans les négociations de contrats, les évaluations économiques de nouveaux projets et les projets de coentreprises.

  • Resserrez votre collaboration avec les partenaires de l’industrie et les autres parties prenantes. Par exemple, les entreprises de l’industrie pétrolière ont uni leurs forces afin de partager les leçons apprises et les ressources pour se préparer aux situations d’urgence en cas de phénomènes météorologiques extrêmes. Il est également possible de collaborer avec d’autres parties prenantes, telles que les industries et les communautés locales dans les régions touchées, afin de réduire les répercussions sur les ressources naturelles et d’éviter les conflits.

  • Mettre au point des plans d’urgence et de remise en état afin d’assurer la sécurité des actifs, du personnel et des activités.

Adaptation et atténuation

L’adaptation ajoute une toute nouvelle dimension à la réflexion sur les réactions des entreprises face aux changements climatiques. Les facteurs qui poussent les entreprises à agir peuvent devenir évidents lorsqu’elles commencent à subir des événements perturbateurs. Cependant, les entreprises ne devraient pas oublier les mesures d’atténuation, soit de réduire les émissions de gaz à effet de serre. En réalité, les mesures d’atténuation peuvent aider à freiner les changements climatiques physiques et ainsi à réduire la nécessité de s’adapter. Par conséquent, l’atténuation demeure un élément indispensable d’une stratégie d’adaptation à long terme.

Ressources complémentaires

Réseau entreprise et développement durable & Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie. 2011. Gestion des risques commerciaux et des occasions d’affaires présentés par le changement climatique.

Wagner, G. & Weitzman, M. L. 2012. Was Hurricane Sandy the ‘fat tail’ of climate change? Wall Street Journal Blogs.

Intergovernmental Panel on Climate Change. 2012. Managing the risks of extreme events and disasters to advance climate change adaptation.

À propos des auteurs

Jonatan Pinkse est professeur adjoint à l’École de gestion de Grenoble, en France. Ses domaines de spécialité sont les stratégies climatiques des entreprises, le développement durable et les énergies renouvelables. Il a publié des articles dans diverses revues internationales, y compris le Journal of International Business Studies, la California Management Review and Energy Policy. Il est également auteur du livre International Business and Global Climate Change. En 2011, Jonatan Pinkse a reçu le prix ONE Emerging Scholar Award de la Academy of Management.

Federica Gasbarro est doctorante à l’École supérieure de Sainte-Anne, en Italie. Sa thèse, qu’elle prévoit soutenir au début de 2013, porte sur les réactions des entreprises face aux changements climatiques, essentiellement sur les stratégies d’adaptation et le rôle des systèmes de gestion environnementale dans le cadre des échanges d’émissions. Elle participe également à des projets de recherche appliquée financés par la Commission européenne, p. ex. le projet LAIKA (Local Authorities Improving Kyoto Actions), ainsi qu’à des projets de consultation pour des entreprises et des organismes sans but lucratif.


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