Focus RSO 2014 : Vidéos des gagnants du concours
Vainqueurs du prix CBleue et du prix REDD en 2014 dans le cadre de la responsabilité sociale des organisations
L’édition 2014 du concours Focus RSO a permis de faire rayonner le talent de plusieurs réalisateurs de courts métrages en lien avec le thème de la responsabilité sociale des organisations (RSO). Deux gagnants se sont d’ailleurs mérités les honneurs du concours. Voici donc les vidéos des gagnants avec les commentaires du jury.
Prix CBleue : La carrière verte
Réalisé par : Peggy Henry
« L'homme sage apprend de ses erreurs, - L'homme plus sage apprend des erreurs des autres. » Confucius
Ce court métrage est une fiction bien élaborée portant sur les ratés d'une campagne de communication naïvement menée par une entreprise familiale. Il a la qualité de surprendre, de provoquer des réactions, d'ouvrir la discussion... La carrière verte démontre bien à travers le témoignage de plusieurs intervenants internes et externes à l'organisation, plusieurs notions utiles en RSO. Notamment, il y est illustré : le dérapage promotionnel se traduisant par de la publicité trompeuse; les effets indésirés que peuvent avoir ces pratiques malhabiles sur l'image de l'industrie; le concept d’évolution et d’amplification d'un enjeu; de redevabilité envers les parties prenantes, etc. Il aborde aussi l'implantation infructueuse d'une démarche de développement durable et les causes de cet échec.
Ce contre-exemple permet d'illustrer avec humour le niveau de compréhension et d'opérationnalisation du développement durable et de la RSO dans bon nombre de PME. Il incite le consommateur à faire preuve de vigilance envers les prétentions écologiques ou éthiques d’un produit et l’étudiant (futur gestionnaire ou consultant) à réfléchir à l'importance de bien identifier les enjeux relatifs à la RSO dans l'entreprise.
Sur le plan technique, la vidéo offre de belles images, avec beaucoup de plans de transition. Ces images de qualité ont été capturées à l'aide d'un trépied, ce qui est apprécié, mais l'utilisation d'un microphone pour la prise de son aurait été préférable. Le style « reportage-récit d'évènement » qui rappelle celui des « reconstitutions de crimes » a beaucoup plu au jury. Bien qu'elle soit centrale à l'histoire et bien réalisée, la publicité faite pour Du Rocher et fille enlevait un peu de vraisemblance à l'histoire — sachant que cette industrie n'a généralement pas recours à la publicité télévisée; cela donnait un indice subtil de plus qu’il s’agissait d’une satire.
Finalement, le jury a grandement apprécié l'originalité du concept et la touche humoristique qu'apporte le jeu d'acteurs ainsi que la grande qualité de la production. Félicitations!
Prix REDD : Ruban rose vs Attitude
Réalisé par : Jean-François Gingras, Brigitte Nadeau, Adil Tarmasti, Louis-Philippe Vézina, Folly Kouessan Yaovi
La vidéo présentée traite d’un sujet important : la contribution des entreprises à la lutte contre le cancer du sein. Elle débute par un éclairage sur la campagne philanthropique du Ruban Rose, au sein de laquelle des entreprises reversent une partie des profits liés à la vente de produits durant le mois d’octobre. Puis, elle souligne les controverses importantes liées à cette campagne, soulevées notamment par le documentaire de Léa Pool « L’industrie du Ruban Rose » (2011). Un des principaux problèmes est la participation d’entreprises dont les produits sont considérés comme cancérigènes, notamment dans le secteur cosmétique. Tentant d’obtenir auprès de cet organisme philanthropique des précisions sur les modalités d’octroi du label « Ruban Rose » à tel ou tel produit, les réalisateurs se heurtent à une fin de non-recevoir. Par contraste, le documentaire s’intéresse ensuite à une entreprise de la région de Montréal, Bio-Spectra, qui fabrique des nettoyants et des produits de soin corporel. Ces produits respectent des normes qui permettent de minimiser les risques de cancer, comme l’explique les interlocuteurs de l’entreprise interviewés. Le documentaire, à l’aide d’une base de données en santé, compare ensuite des produits de Bio-Spectra et d’autres impliqués dans la campagne du Ruban Rose, beaucoup plus toxiques. Sur la base de cette démonstration, le documentaire se conclue par une invitation faite au public de se positionner face à ces deux initiatives.
Cette vidéo présente plusieurs qualités importantes. En premier lieu, c’est l’originalité de la démarche et la qualité de la réflexion qui interpellent. Plutôt que de simplement reprendre les arguments du documentaire de Léa Pool et de la campagne qui ont mis en question le Ruban Rose, les réalisateurs s’en servent comme point de départ, et utilisent comme contre-point les initiatives de Bio-Spectra. Ceci permet d’amener une réflexion intéressante sur le rapport entre philanthropie et RSE.
En second lieu, il faut souligner l’effort de recherche : reprise d’arguments clefs du documentaire de Léa Pool et du livre de Samantha King (Pink Ribbons, Inc. Breast Cancer Culture and the Politics of Philanthropy, University of Minnesota Press, 2006), mais aussi échanges par courriel avec le responsable de la communication chez Ruban Rose, entrevue avec un dirigeant de Bio-Specta et recherche sur les bases de données de produits toxiques. Les données sont présentées avec précision, rigueur et un sens didactique appréciable. La capacité à prendre du recul est bien présente, à l’image de l’analyse faite des réponses évasives du chargé de communication de Ruban Rose.
En troisième lieu, l’optique de ne pas s’en tenir à un discours de dénonciation, mais aussi d’explorer une alternative, avec Bio-Spectra, permet de faire avancer la réflexion, sans faire l’impasse sur les difficultés dans la mise en œuvre et la conception de ces produits non-cancérigènes.
Enfin, on appréciera la qualité de la vidéo, son rythme et sa réalisation. D’un point de vue technique, deux bémols sont à pointer. D’une part, malgré l’équilibre entre la voix et la musique, il y a une distorsion dans la voix off et la qualité du son est parfois inégale. D’autre part, la transition entre les deux sujets (Ruban rose/Attitude) n’est pas très fluide et on peut avoir du mal à saisir l’articulation entre les deux au début. Par contre, leur lien à la fin est bien tissé, avec l’excellent plan de main comparant Attitude et Ruban rose. Ultime conseil du technicien : un trépied vous aurait toutefois bien servi tout au long de l’exercice !
En conclusion, on ne peut que saluer ce travail audiovisuel, qui réussit en une dizaine de minutes à la fois à apporter une contribution, sur un plan théorique, à la relation entre RSE et philanthropie et à interpeller le citoyen, sur un enjeu qui touche chacun d’entre nous. Félicitations !