L'autorité croissante des communautés autochtones (et ce qu'elle signifie pour les entreprises)

default.jpg

Le défi des relations avec les communautés autochtones

Chaque mois, le REDD met en lumière un défi clé pour les dirigeants d'entreprises en matière de développement durable. Ces défis ont été identifiés par le Conseil des Leaders du REDD, un groupe d'entreprises canadiennes reconnues pour leur leadership en matière de développement durable. Ce mois-ci, le Dr Ben Bradshaw, de l'Université de Guelph identifie les pistes menant vers l’engagement positif entre les entreprises et les communautés autochtones. Dr. Bradshaw s'appuie sur deux décennies de travail sur les relations entreprise-communauté dans le secteur minier du Canada.

Courageux est le gestionnaire responsable des relations avec les communautés autochtones. S'engager auprès des communautés autochtones est une tâche difficile, que ce soit pour permettre l'exploration minière le long de la péninsule de l'Alaska, pour financer un pipeline du centre de l'Alberta à la côte de la Colombie-Britannique, ou même de trouver et de conserver des travailleurs de service pour une nouvelle franchise de café à Fort McMurray.

Cet engagement est cependant essentiel. Omettre de le faire peut entraîner des conséquences réelles.

Il existe dans le secteur minier, en particulier, plusieurs exemples de dépréciation de plusieurs millions de dollars en raison de relations communautaires échouées (p. ex Manhattan Minerals au Pérou, Meridian Gold en Argentine, et Northgate Minerals au Canada). Une récente étude a révélé que les deux tiers de la valeur de mines d'or découlent des pratiques d'engagement des parties prenantes d'une entreprise, et qu’un tiers seulement de la capitalisation boursière est investie en fonction de la valeur de l'or dans le sol.

En bref, les relations avec les communautés autochtones sont importantes.

Cet article décrira d’une part les pratiques actuelles d’engagement des entreprises, qui conduisent souvent à des résultats mitigés. D’autre part, l’article présentera trois initiatives intéressantes puisque menées par les peuples autochtones eux-mêmes et ayant le potentiel de transformer positivement les relations entreprise-communauté.

Les stratégies d’engagement des entreprises

De façon générale, tant les entreprises du secteur énergétique et des ressources naturelles que celles du secteur bancaire et de détail ont élaboré des politiques et des programmes pour gérer leurs relations avec les peuples autochtones. Ces entreprises reconnaissent qu'elles doivent aller au-delà des exigences légales.

Afin de satisfaire ces nouvelles attentes, les gestionnaires peuvent également s'appuyer sur une variété de guides, d’outils et même de programmes de certification (voir, par exemple, le Conseil international des mines et des métaux ou du Canadian Council for Aboriginal Business).

Ceux qui se tournent vers ces ressources sont conscients de la nécessité, par exemple:

  • d’assurer une communication régulière et adaptée à la culture des communautés, sur l’ensemble des projets qui pourraient avoir une incidence sur ses moyens de subsistance et ses droits;

  • d'identifier la volonté et la capacité d’engagement des membres d’une communauté ainsi que les modalités d'engagement les plus souhaitables;

  • de comprendre et respecter les structures de gouvernance de la collectivité, qui amènent parfois une entreprise à travailler à la fois avec les dirigeants élus et les héréditaires d’une communauté

Suivre ces recommandations peut améliorer les perspectives d'une entreprise, mais ne garantit pas le succès de la démarche. Il suffit parfois d’un changement de gouvernance dans une communauté ou d’un conflit avec un gouvernement, non relié à l’entreprise, pour que les tentatives d’engagement soient péril. Par ailleurs, beaucoup de gestionnaires chevronnés font face au défi en mobilisant les ressources nécessaire pour mettre sur pied un programme d'engagement à la fine pointe, et ce, pour finalement se buter à l’insensibilité d’une communauté ou, pire, à une farouche opposition de celle-ci face à un partenariat.

Le tout n’est pas joué non plus, pour les gestionnaires qui ont la chance d'avoir développé des partenariats avec les communautés autochtones. Des circonstances indépendantes de leur volonté peuvent amener les partenaires à se rétracter d’un projet et à alarmer les analystes boursiers et ONG activistes.

Les changements à entrevoir

Bien que la situation semble impossible à gérer, l’établissement de relations positives et durables avec les peuples autochtones est possible et même probable au cours de la prochaine décennie. L'amélioration des relations sera moins attribuable aux pratiques de gestion éclairée d’entreprises individuelles (bien qu’elles seront encore nécessaires), et davantage à l'autorité et la capacité croissantes des communautés autochtones.

Encore une fois, voici trois perspectives offertes par le secteur minier, où trois principales évolutions sont évidentes:

  • De plus en plus de collectivités ont mis en place leur propre politique minière, informant les entreprises des conditions précises dans lesquelles elles s’attendent à recevoir des requêtes d’exploration, les modalités dans lesquelles elles engageraient un dialogue sur les possibilités de développement d’une mine et comment elles pourraient éventuellement offrir un soutien à un plan de développement.Le

Conseil tribal Tahltan en Colombie-Britannique a été l'un des premiers à développer une telle politique. Plutôt que de réagir au hasard aux pressions du développement, la communauté Tahltan a réfléchi sur ses préoccupations et attentes liées à l'exploitation minière et a formulé une politique lui permettant d’exercer un plus grand contrôle dans ses relations avec les entreprises.

  • Les communautés ont acquis un certain contrôle sur le développement minier par le biais de contrats, communément appelés «ententes sur les répercussions et les avantages», avec les développeurs. Négociées directement entre les deux parties, ces accords gèrent les impacts associés à un projet de mine et donnent aux communautés des avantages tangibles, y compris de retombées financières, de l'emploi et de la formation, et le traitement privilégié des entreprises appartenant à la collectivité. L’état intervient habituellement très peu dans la conclusion de ces ententes.En échange, une entreprise minière peut s'attendre à une relation constructive, à une limitation des perturbations, à avoir la capacité de rassurer les investisseurs et les ONG ainsi qu’à fournir de l’emploi à l’échelle locale. N'étant pas légalement nécessaires, ces accords sont toutefois devenus une partie intégrante du processus d'autorisation d’une mine au Canada (voir, par exemple, la mine de la baie Voisey au Labrador et dans les trois mines de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest).

  • Les communautés font de plus en plus valoir leur droit de consentement à l’exploitation et au développement des ressources naturelles sur leurs territoires traditionnels. Cette attente, plus officiellement connue comme le principe du consentement libre, préalable et éclairé (CLPE), était un élément clé de la Déclaration de 2007 des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et a récemment été approuvée par la Société financière internationale (SFI). La SFI finance de nombreux projets de développement et exige maintenant de ses bénéficiaires d'obtenir le consentement des peuples autochtones pour les projets présentant des impacts négatifs potentiels importants.

Un parcours plus défini

Des communautés autochtones de plus en plus compétentes pourraient inquiéter certains gestionnaires. Ces derniers devraient par contrereconnaître que ces changements permettent de meilleures relations et une plus grande sécurité. Les entreprises devraient continuer à pratiquer des relations communautaires progressistes mais aussi , à soutenir des initiatives plus larges qui renforcent de plus en plus la stature, les capacités et les possibilités des collectivités autochtones.

Zandvliet, L., & Anderson, M. 2009. Getting it right: Making corporate-community relations work. Greenleaf Publishing

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dr. Ben Bradshaw est un professeur agrégé de géographie à l'Université de Guelph et directeur fondateur du programme de premier cycle de l'Université dans la gouvernance environnementale, la première de son genre. Il a beaucoup travaillé sur l'utilisation par le secteur minier d'accords d'entreprise communautaires, généralement appelés ententes sur les répercussions et les avantages (ERA), dans le Nord canadien. Il est à l'origine du réseau de recherche IBA, qui réunit des universitaires, des organismes de réglementation, les Autochtones, les représentants de l'industrie et des consultants afin d'identifier les lacunes dans les connaissances et faciliter la recherche pour combler ces lacunes. En plus de la recherche et de l'enseignement, le Dr Bradshaw a une pratique de consultation modeste en grande partie axée sur la recherche appliquée sur les retombées pratiques de la recherche sur les ERA. Un projet en cours l’amène à définir les fondements de ce que représente le bien-être d’une communauté de Premières Nations qui connaîtra sous peu les impacts et les avantages du développement d’une mine dans le « Cercle de feu », région du nord de l'Ontario.


Ressources Additionnelles