Partenariats avec les ONG : les 4 clés du succès
Comment les entreprises peuvent-elles travailler de façon rentable avec les organisations non gouvernementales
Chaque mois, le REDD met en lumière un défi clé pour les dirigeants d'entreprises en matière de développement durable. Ces défis ont été identifiés par le Conseil des Leaders du REDD, un groupe d'entreprises canadiennes reconnues pour leur leadership en matière de développement durable. Ce mois-ci, Jonathan Doh, un expert mondial sur les alliances corporatives et à but non lucratif, fournit des conseils sur la façon dont les entreprises peuvent travailler de façon rentable avec les organisations non gouvernementales (ONG).
Les partenariats avec les ONG peuvent aider les entreprises à améliorer leur rendement social et environnemental et à trouver de nouveaux débouchés sur le marché. Les ONG et les entreprises ont des connaissances, une expertise et des capacités différentes et parfois complémentaires; ensemble, les ONG et les entreprises peuvent souvent accomplir davantage qu’elles ne le pourraient seules. Mais des malentendus et d’autres obstacles peuvent empêcher les partenariats d’atteindre leur plein potentiel. Nous vous présentons ici certaines leçons essentielles pour les entreprises qui souhaitent travailler avec des ONG, illustrées à l’aide d’un exemple de partenariat entre Swiss Re et Oxfam.
Swiss Re et Oxfam : atteindre des résultats
Swiss Re, compagnie d’assurances mondiale, a été approchée en 2007 par l’ONG de développement international Oxfam. Oxfam souhaitait procurer aux agriculteurs éthiopiens une assurance qui couvrirait leurs récoltes contre les risques liés aux changements climatiques. À l’époque, ce type d’assurance n’existait pas et Swiss Re possédait l’expertise nécessaire pour le concevoir. Swiss Re percevait également les avantages potentiels d’une telle collaboration. Swiss Re avait essentiellement acquis de l’expérience dans les pays riches, mais l’entreprise était intéressée à élargir son marché dans les pays en développement et s’était fortement engagée à lutter contre les changements climatiques. Swiss Re appréciait qu’Oxfam soit présente depuis longtemps en Éthiopie et comprenne bien l’environnement et la culture de ce pays.
Le partenariat a dû surmonter une résistance interne dans les deux entreprises. Ce type de projet était entièrement nouveau et il était inhabituel de travailler avec un organisme ou une entreprise issus d’un autre secteur. Le chef de projet à Oxfam se souvient : « Plusieurs collègues influents et puissants s’interrogeaient, avec une hostilité déclarée, sur les motifs réels de Swiss Re ». Mais le projet a pu aller de l’avant grâce à un leadership solide. Chez Oxfam, le promoteur du projet était respecté des autres employés et le projet bénéficiait de l’appui de la haute direction. Chez Swiss Re, le projet était soutenu par des promoteurs solides issus d’unités opérationnelles ainsi que philanthropiques, et il était clairement lié à la stratégie de l’entreprise. Les deux entités ont commencé à travailler sur un projet pilote dans un village en Éthiopie. Elles ont graduellement gagné confiance l’une dans l’autre ainsi que dans leur façon d’aborder le problème, et elles ont continué d’explorer des façons pour que la collaboration réponde au mieux aux besoins des deux organismes. Une discussion tenue en 2010 entre les dirigeants d’Oxfam et de Swiss Re sur les liens du projet avec la sécurité alimentaire, qui constituait une autre question prioritaire pour Swiss Re, a marqué « le moment où la lumière a jailli » et où les possibilités d’expansion sont devenues claires. Cinq ans après le début de leur collaboration, Swiss Re et Oxfam continuent de travailler ensemble sur des projets en Éthiopie et dans trois autres pays d’Afrique occidentale.
Principales leçons pour une collaboration fructueuse
L’histoire de la collaboration entre Swiss Re et Oxfam met en évidence plusieurs enjeux déterminants qui influencent la réussite ou l’échec de la collaboration. Ces thèmes sont ressortis de nombreuses études de partenariats entre des entreprises et des ONG, y compris des enquêtes à grande échelle, des études de cas et des entrevues individuelles. Ces enjeux sont importants, que votre entreprise travaille sur un projet national ou international.
Sachez reconnaître soigneusement la différence. Vous devez reconnaître et apprécier les différences entre votre entreprise et les ONG puisque, sans elles, vous n’auriez aucune raison de collaborer. Les différents points de vue peuvent parfois rendre la collaboration difficile, mais également précieuse, dans la mesure où les connaissances, l’expertise et les capacités de chaque partenaire se complètent. Le recrutement constitue une stratégie de plus en plus employée pour mieux comprendre ces différences : les entreprises embauchent d’anciens employés d’ONG pour les aider dans leurs interactions avec les organismes sans but lucratif tandis que les ONG recrutent des gestionnaires issus du secteur privé qui pourront les aider à gérer leurs relations avec les entreprises. En même temps, il est important de réfléchir stratégiquement afin de savoir si vous choisissez le bon partenaire – comme vous le feriez pour n’importe quel partenariat d’affaires. Que peut apporter chaque partie? Et en ce qui concerne plus particulièrement les partenariats importants, chaque partie peut-elle avoir confiance en l’autre? La confiance repose sur une culture partagée ou une mission complémentaire ainsi que sur le respect de la contribution potentielle des partenaires. Le chef de projet de Swiss Re se souvient de sa première impression positive d’Oxfam : « Nous avions le sentiment qu’Oxfam savait réellement ce qu’elle faisait ».
Désignez un promoteur du projet et donnez-lui l’autorité ainsi que le pouvoir de décision nécessaires. Étant donné que les partenariats représentent une nouvelle façon de travailler, il est nécessaire de désigner un promoteur puissant pour surmonter l’inertie et obtenir des résultats. Les ONG veulent également que l’entreprise prenne la relation au sérieux.
Placez l’engagement avec les ONG au cœur des activités de l’entreprise. Les partenariats devraient être graduellement intégrés dans les responsabilités des unités et des fonctions opérationnelles plutôt que d’être considérés comme des initiatives distinctes et autonomes. Les partenariats les plus réussis sont ceux où chaque participant tire parti de ses capacités essentielles et contribue des ressources fondées sur l’expertise utilisée dans le cadre de ses activités normales ou générée par celles-ci.
Prévoyez que la relation évoluera au fil du temps. Les conditions environnementales, les intérêts et les positions sont voués à changer. Dans certains cas, ces changements peuvent signifier que le partenariat a fait son temps et rempli son rôle. Et tout cela est très bien. Mais vous devez être prêt et faire face à ces changements. Des réunions régulières avec les deux parties afin d’évaluer l’utilité et les perspectives du partenariat constituent une façon d’intégrer une réflexion dans le cadre du processus. Une autre façon consiste à intégrer cette évolution dans la convention ou le protocole d’entente initial de manière à ce que les deux parties sachent que la relation devra être réévaluée.Les partenariats entre les entreprises et les ONG sont complexes et comportent de nombreux défis. Cependant, ils peuvent bénéficier aux deux participants, autant aux entreprises qu’aux ONG. Pour donner aux nouveaux partenariats les meilleures chances de réussir, vous devez aborder les relations avec beaucoup de soin, les structurer judicieusement et rechercher un soutien et un développement continus et durables à mesure qu’ils évoluent. Le partenariat entre Oxfam Amérique-Swiss Re témoigne du pouvoir et des possibilités d’une telle collaboration, mais aussi des véritables défis qui se posent pour en tirer profit.
Jonathan Doh est le directeur fondateur du Center for Global Leadership, et professeur de gestion et opérations à la Villanova School of Business. Il enseigne, mène des recherches et agit à titre de consultant et conférencier exécutif sur la stratégie globale, la responsabilité sociale et le développement durable. Son plus récent livre est intitulé NGOs and Corporations: Conflict and Collaboration (avec Michael Yaziji, Cambridge University Press).
Plus de ressources sur la collaboration avec les ONG
Doh fournit des orientations supplémentaires dans l'article suivant : Pearce, J.A. II, & Doh, J.P. 2005. The high impact of collaborative social initiatives. Sloan Management Review, 46: 30-39.
Pour en savoir plus sur le partenariat Oxfam-Swiss Re, consultez l'étude cas de Doh et ses collègues : Doh, J.P., London, T., & Kilibarda, V. 2012. Building and scaling a cross-sector partnership: Oxfam America and Swiss Re empower farmers in Ethiopia. Ann Arbor, MI: William Davidson Institute GlobalLens Case 1-429-185.