Un distributeur espagnol surmonte la crise financière grâce à la démocratie des entreprises
Étude de cas pour démontrer les avantages de la démocratie des entreprises
Le dialogue avec les parties prenantes peut parfois sembler être du jargon, mais pour le grand distributeur espagnol Eroski, les commentaires de ses 12 000 employés et 350 000 consommateurs lui ont permis de surmonter la crise financière.
Les recherches effectuées avant la crise montrent que les alliances, les coentreprises et les réseaux d’entreprises constituent des mécanismes efficaces pour aider les entreprises à innover (p. ex. Ireland et al., 2002; Tsai et Ghoshal, 1998). Toutefois, les chercheurs de l’École de commerce IESE de l’Université de Navarre ont voulu aller plus loin. En 2006, Silvia Ayuso, M.A. Rodríguez et J.E. Ricart se sont efforcés de déterminer pour la première fois les éléments nécessaires pour stimuler l’innovation durable.
La coopérative établie Eroski faisait partie (et continue de faire partie) d’une fédération de coopératives, la Corporación Mondragón, souvent citée en exemple de démocratie des entreprises. Par conséquent, Eroski constituait un candidat idéal pour effectuer une étude de cas. Les chercheurs ont recueilli des données à partir des rapports de l’entreprise et d’entrevues avec les gestionnaires, les employés et les clients sous forme de questions ouvertes sur les processus d’innovation et les pratiques de gestion des employés et des consommateurs de l’entreprise. Les chercheurs ont ensuite résumé et catégorisé les entrevues et les données de manière à définir les principaux éléments.
Les résultats indiquent que les innovations entreprises par Eroski sont stimulées par sa structure démocratique. De plus, les résultats démontrent que sa structure permet d’intégrer et de faciliter le dialogue (une communication interactive et bidirectionnelle entre les consommateurs et les employés) de manière à favoriser l’innovation durable.
Comment fonctionne la structure démocratique d’Eroski?
Plus de 12 000 employés, qui composent 41 pour cent du total du personnel, sont des actionnaires. Les employés actionnaires désignent des délégués régionaux, qui choisissent à leur tour les membres du Conseil social.
Les consommateurs actionnaires, qui représentent un total de plus de 350 000 membres, désignent leurs délégués auprès du Conseil des consommateurs par l’entremise des commissions locales.
Les actionnaires se rencontrent dans le cadre d’une assemblée préparatoire annuelle pour élire l’Assemblée générale.
L’Assemblée générale constitue l’autorité suprême qui exprime la volonté de tous les membres de la coopérative. Elle approuve les plans stratégiques et nomme les membres du Conseil social et du Conseil des recteurs.
Le Conseil des recteurs, composé de six employés et de six consommateurs actionnaires élus pour un mandat de quatre ans, se réunit une fois par mois et est responsable de superviser la direction d’Eroski. La moitié de ses membres sont remplacés tous les deux ans.
Aujourd’hui, cette structure démocratique et son dialogue intégré bénéficient d’une validation à long terme. Malgré les pertes subies en 2012, les supermarchés et les grandes surfaces d’Eroski ont réalisé respectivement une croissance de 9 % et de 15 %. Récemment, une grande surface a rouvert ses portes à San Sebastián. Grâce au dialogue entre les consommateurs et les employés, cette grande surface propose à présent des légumes locaux et plus de 1 000 produits biologiques et est cité en exemple d’entreprise guidée par le comportement des consommateurs modernes (Lunney, 2013).
La stratégie de mutation des employés de la Corporación Mondragón constitue un autre exemple d’initiative de développement durable mise en œuvre par Eroski. Plutôt que de mettre à pied ses employés pendant la crise financière, elle a préféré les redéployer dans les entreprises en croissance de Mondragón (Johnson, 2013).
Eroski offre un exemple remarquable de la façon dont les processus (des progrès réguliers mais continuellement améliorés) peuvent soutenir l’innovation durable plutôt que des éclairs de génie soudains. Pour Txema Gisasola, président de Mondragón : « Cela n’a rien de magique. Nous œuvrons sur ce marché, nous livrons concurrence dans un monde capitaliste, et notre seule différence réside dans la manière dont nous faisons les choses et dans les raisons qui nous motivent à agir ainsi » (Johnson, 2013).
Ayuso, S., Rodríguez M.Á. et Ricart, J.E. 2006. Using stakeholder dialogue as a source for new ideas: a dynamic capability underlying sustainable innovation. Corporate Governance. 6 4 : 475-490.
Johnson, Miles. 2013. Drivers of change: Workers united. The Financial Times Limited. http://www.ft.com/intl/cms/s/0/d7d2fbcc-85b9-11e2-bed4-00144feabdc0.html, 21 mars 2013.
Lunney, Ellen. 2013. Eroski Invests €2M In San Sebastián Hypermarket. ESM. http://www.esmmagazine.com/Retail/eroski-invests-2m-in-san-sebastian-hypermarket.html, 17 juillet 2013.
The Economist. 2013. Trouble in workers’ paradise. The Economist. http://www.economist.com/news/business/21589469-collapse-spains-fagor-tests-worlds-largest-group-co-operatives-trouble-workers, 9 novembre 2013.