Comment devenir une entreprise net zéro

Auteurs : Matthew Lynch, Rob Klassen et Chelsea Hicks-Webster pour le NBS.

 

De façon à contribuer à la lutte contre le changement climatique, de nombreuses entreprises se fixent un objectif « net zéro ».

Depuis octobre 2022, plus de 8 000 entreprises à travers le monde se sont engagées à atteindre l'objectif net zéro dans le cadre de la campagne Race to Zero des Nations Unies.

Le net zéro vous intéresse, mais il n’est pas clair pour vous en quoi ça consiste?  Cet article vise à clarifier ce qu’est le net zéro en répondant aux questions suivantes :

  • Qu'est-ce qu'une entreprise net zéro? 

  • Pourquoi est-ce important?

  • Quels sont les défis et opportunités?

  • Comment devenir une entreprise net zéro?

  • Quels sont les coûts associés?

  • Que se passe-t-il si le net zéro n’est pas atteint?

Cet article est fondé sur le travail des auteurs au sein de la Ivey Business School (Canada), où ils collaborent avec des entreprises pour mieux comprendre leur parcours vers le net zéro.

 Qu'est-ce qu'une entreprise net-zéro?

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), un organisme intergouvernemental chargé d'évaluer l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes et ses impacts, le « net zéro »  (ou zéro émission nette), est atteint lorsque « les émissions anthropiques gaz à effet de serre dans l’atmosphère sont compensées par les émissions anthropiques au cours d’une période données ».

Fondamentalement, le net zéro signifie que les opérations d'une entreprise - y compris sa chaîne d'approvisionnement, ses produits et ses services - n'augmentent pas la quantité de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère. Le net zéro peut aussi s'appliquer à d'autres niveaux, de la planète, à un pays ou une ville, à un ménage, un événement ou un produit. 

Viser le net zéro signifie : 

  1. Libérer moins de GES comme le dioxyde de carbone et le méthane dans l’atmosphère (en utilisant des sources d’énergie différentes, par exemple)

  2. Éliminer les GES produits de l'atmosphère. Les gaz à effet de serre peuvent être éliminés par des processus naturels, le reboisement par exemple, ou par l’utilisation de nouvelles technologies, comme la séquestration du carbone dans l’atmosphère ou dans le sol.

L’intérêt pour le net zéro s’est accentué lors de L’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015, qui établissait que les émissions devaient être réduites dès que possible dans l’objectif d’atteindre le niveau net zéro d'ici 2050. Des progrès sont donc nécessaires dès maintenant. Des initiatives ont suivi, par exemple, la Science-Based Targets Initiative (SBTi) [1] a établi une norme net zéro qui oblige les entreprises à prendre des engagements importants à court terme, en réduisant les GES d'environ 50 % d'ici 2030.

Pourquoi est-ce important?

Les gaz à effet de serre sont la cause du réchauffement de la Terre. Puis, à mesure que l'air et les océans se réchauffent, les conditions météorologiques commencent à changer et le niveau de la mer monte. Par exemple, les humains ont déjà réchauffé la Terre d'environ 1,1 degré Celsius, ce qui a entraîné 70% plus de sécheresses et 30% plus de pluies fortes.

Ce réchauffement cause beaucoup de problèmes. Il entraîne des risques pour la santé et le bien-être des humains. Par exemple, en 2010, une vague de chaleur a tué 55 000 personnes en Russie. L'ONU estime par ailleurs que, depuis 2008, les phénomènes météorologiques causé par le changement climatique entraînent le déplacement de 21,5 millions de personnes par année.

Il y a également des conséquences évidentes pour les entreprises, allant des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et du transport, à des coûts plus élevés, à des marchés imprévisibles et à des changements de réglementation. Ces risques ne feront que s'aggraver avec le réchauffement du climat.

 
 

Les experts conviennent que nous devons limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés, de préférence à 1,5 degré Celsius, pour prévenir les pires effets du changement climatique. Le zéro net est un moyen d'atteindre cet objectif. 

Dans l’Accord de Paris de 2015, de nombreux pays ont pris des engagements contraignants pour réduire les émissions de leur pays conformément à ces limites. Depuis, les entreprises sont incitées – et parfois mandatées – à agir pour le climat. 

Par exemple, le Canada a établi un objectif de zéro émission nette d’ici 2050, avec un objectif de réduction des émissions de 40 à 45 % pour 2030 (par rapport aux niveaux de 2005). Des mesures ont été mises en place, dont une nouvelle taxe sur le carbone, rendant l'utilisation des combustibles fossiles plus chère. 

Les principaux investisseurs et gestionnaires d'actifs portent également de plus en plus d’attention au changement climatique. Ces institutions financières qui possèdent et contrôlent un pourcentage significatif des plus grandes entreprises du monde considèrent désormais le changement climatique comme créant des risques et des opportunités importants pour la valeur à long terme de leurs investissements.

Quels sont les défis et opportunités?

Les efforts pour le net zéro ne sont pas parfaits. Le chemin à parcourir sera long, mais la recherche et l’expérience des auteurs leur permet de croire qu’il est possible d’y parvenir.

Voici quelques-unes des préoccupations : 

  • De nombreux engagements pris envers le net zéro visent l'année 2050 et certains croient que les entreprises reportent leur action à un avenir lointain. 

  • Quelques gouvernements prennent des mesures pour le climat – mais leurs politiques pourraient être annulées à la suite de futures élections. 

  • Des changements aux processus d’affaires sont nécessaires - et ceux-ci peuvent être plus difficiles que de l'innovation technologique. Dans les systèmes alimentaires, par exemple, des changements déterminants vers une agriculture régénératrice et une réduction des déchets sont essentiels.

  • Certains secteurs, comme le ciment, l'acier et l'aviation, ne disposent pas encore de technologies qui leur permettent de tenir des engagements net zéro. 

  • Les efforts net zéro peuvent se concentrer sur l'achat de crédits carbone comme compensations, plutôt que sur le travail concret de réduction des émissions de carbone. De nombreuses compensations disponibles sont inefficaces ou même destructrices pour les communautés locales.

Heureusement, il y a aussi plusieurs raisons d’espérer. 

Dans le secteur de l’énergie, par exemple, il est généralement admis que nous disposons déjà de nombreuses technologies pour décarboner. Des technologies telles que l'éolien et le solaire sont déjà disponibles à prix compétitifs par rapport aux énergies fossiles, ce qui permet de produire davantage d'électricité à faible émission de carbone. Des progrès rapides sont aussi faits relativement au stockage de l'énergie, qui est important pour s’assurer que l'électricité produite par les sources d'énergie renouvelable soit fiable.

Les efforts d'efficacité opérationnelle qui contribuent au net zéro peuvent apporter des gains rapidement, en plus de s’aligner aux autres priorités organisationnelles, comme la réduction des coûts. 

En termes d'élimination du carbone de l'atmosphère – la seconde partie de l'équation net zéro – les nouveaux projets en agriculture et en foresterie régénératrices permettent d’éviter certains des problèmes liés aux compensations de carbone. Ces stratégies sont à long terme et communautaires. Les solutions technologiques d'élimination du carbone - comme la séquestration du carbone - ne sont pas toujours compétitives en termes de coûts, mais font l'objet d'investissements accrus. 

Comment devenir une entreprise net zéro?

Alors, comment s’y prendre? Les entreprises empruntent différents chemins vers le net zéro, notamment en fonction de leur secteur. Ces parcours ont toutefois en commun un déroulement en quatre grande étapes :

 
 

1. Mesurer les émissions

Pour être en mesure de réduire vos GES, il importe de d’abord déterminer combien vous émettez d’émissions et d'où elles proviennent.

La plupart des entreprises utilisent le Protocole des GES (Greenhouse Gas Protocol - GHG Protocol) pour guider la mesure de leurs émissions. Celui-ci fournit un processus standard pour mesurer et déclarer les émissions et met l’accent sur trois portées (scopes) d'émissions.

  • Portée 1 : Émissions directes de l’entreprise.

  • Portée 2 : Émissions indirectes associées à l'utilisation de l'énergie par l'entreprise, en particulier l'électricité.

  • Portée 3 : Émissions indirectes associées à la chaîne d'approvisionnement d'une entreprise, ainsi qu'à l'utilisation de ses produits par les clients.

 
 

Mesurer et réduire les émissions de la portée 3 est souvent la partie la plus difficile, en particulier pour les grandes entreprises ayant des chaînes d'approvisionnement mondiales complexes. Des changements dans les processus d’affaires peuvent être nécessaires. À titre d'illustration, il est relativement simple de remplacer les ampoules par des ampoules à DEL ou d'installer un panneau solaire. Il est toutefois plus ardu de modifier les processus, en particulier lorsque ceux-ci impliquent des fournisseurs externes ou des clients. Bien que le traitement des émissions de la portée 3 soit plus difficile, de nombreux travaux en cours se concentrent sur la recherche de solutions, comme l'utilisation de la technologie blockchain pour suivre les émissions des fournisseurs.

Le plus important est commencer là où vous en êtes. Ainsi, la mesure permet d’établir votre point de départ. Puis d’entreprendre la démarche dans une perspective d’amélioration continue, une étape à la fois.

2. Fixer des objectifs

Une fois que vous avez mesuré vos émissions, la seconde étape est de fixer des objectifs pour les réduire. Il est recommandé d’utiliser la norme de la Science based Targets Initiative (SBTi). Celle-ci indique dans quelle mesure et à quelle vitesse une entreprise doit réduire ses émissions de GES pour atteindre son objectif. 

Certaines entreprises qui travaillent avec le SBTi se concentrent sur l'objectif global. Cette approche est considérée comme un « acte de foi » : ces entreprises utilisent la cible pour guider l'innovation et les actions. D'autres entreprises élaborent plutôt un plan (étape 3 ci-dessous) pour s'assurer que l'objectif est réalisable, avant de rendre les engagements publics. 

3. Élaborer le plan

Il est probablement irréaliste d'élaborer un plan qui mène jusqu’à l’atteinte du net zéro d’ici 2050. La technologie et les politiques gouvernementales vont changer. Les équipes de direction et les marchés également.

Il est plutôt recommandé de vous concentrer sur l’établissement d’un plan crédible de façon à atteindre des réductions majeures au cours des 5 à 10 prochaines années, idéalement avec un objectif de réduction d'environ 50 % au cours de la prochaine décennie. Et l'externalisation des opérations à forte intensité de carbone n'est pas la solution. Des exemples de mesures à considérer sont les suivantes :

a. Énergie renouvelable : S'approvisionner en énergie renouvelable, comme l'éolien et le solaire, plutôt qu’en combustibles fossiles.

b. Efficacité énergétique : Améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, transports et équipements.

c. Nouveaux produits et services : Opter pour des produits à faible émission de carbone (comme les voitures électriques au lieu des voitures à essence) ou à des services plutôt qu'à des produits (comme des services de réparation de vêtements plutôt que des vêtements neufs).

d. Collaboration avec les fournisseurs : Travailler avec les fournisseurs pour les aider à réduire leurs émissions (ce qui fait partie des émissions de la portée 3).

e. Plaidoyer politique : Utiliser votre temps, vos canaux de communication et votre argent pour soutenir les dirigeants politiques qui sont sérieusement engagés dans la lutte contre le changement climatique.

4. Publier le plan et rendre compte des progrès

Une fois les objectifs et le plan établis, c’est le moment de rendre votre engagement public.

Les clients et investisseurs seront rassurés du sérieux de votre engagement dans la lutte contre le changement climatique. Vos employés l’apprécieront certainement également. Après l’annonce publique initiale, il est temps de mettre en œuvre le plan, de suivre les progrès et d’en informer régulièrement les parties prenantes.

Des rapports plus formels pourraient être nécessaires. Les investisseurs exigent de plus en plus des entreprises des rapports qui respectent certains protocoles de divulgation, en particulier les recommandations du Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat (Task Force on Climate-related Financial Disclosures - TCFD).

Quels sont les coûts associés?

Tel qu’énoncé précédemment, il y a beaucoup d'incertitude quant à la réglementation et à la technologie futures. Le mouvement net zéro est relativement récent, la plupart des entreprises étant au stade de la fixation d’objectifs. Au cours des 5 à 10 prochaines années, les informations sur les coûts à prévoir par les entreprises pour atteindre le net zéro seront beaucoup plus claires.

Certaines évaluations des coûts sont disponibles au niveau sectoriel, auprès de McKinsey  par exemple. Il s’agit toutefois d’estimations approximatives, faites à partir de nombreuses hypothèses. En outre, les chiffres se concentrent principalement sur les besoins en nouveaux investissements. Une grande partie des investissements dans les nouvelles technologies remplacent des investissements dans les technologies conventionnelles qui; au fil du temps, serait à remplacer sans même la pression d’atteindre le net zéro.

Les chercheurs et les entreprises tentent d’en savoir davantage sur les chiffres associés au net zéro. Par exemple, le chercheur Christian Blanco de l’Université d'État de l'Ohio a analysé 16 525 projets de réduction de carbone d’entreprises et les a classé par besoins d'investissement et taux de rendement.

En somme, davantage d’informations seront disponibles dans les prochaines années, mais l’incertitude actuelle quant aux investissements nécessaires peut représenter un frein pour les entreprises. 

Que se passe-t-il si le net zéro n’est pas atteint?

Bien qu’il soit préférable de garder le cap et de maintenir l’espoir, les inquiétudes sont bien réelles.

Même si le net zéro d'ici 2050 et la cible de 1,5 °C étaient atteints, le GIEC affirme que les impacts du changement climatique vont continuer à s’accentuer : des tempêtes plus fortes et plus fréquentes, une élévation du niveau de la mer, des sécheresses et une pénurie d’eau. Des écosystèmes clés dont dépendent les humains, comme les pêcheries océaniques, vont aussi se détériorer.

Bon nombre de ces impacts seront plus durement ressentis par les populations les plus pauvres d’abord.

Si les hausses de température sont supérieures à 1,5 °C, ces impacts seront encore plus importants. Des points de bascule irréversibles pourraient être atteints, comme la fonte des calottes glaciaires polaires, qui pourrait entraîner d’autres augmentations de température. À ces niveaux plus élevés d'augmentation de la température, la viabilité à long terme de la civilisation humaine est remise en question. 

Ceci met en lumière la nécessité de redoubler les efforts, dans le travail académique, comme en entreprise. Beaucoup de gens veulent prendre part au changement. C’est le moment de travailler tous ensemble dans la course pour atteindre le net zéro

[1] La Science Based Targets Initiative (SBTi) est la référence mondiale pour les engagements climatiques des entreprises. Il s'agit d’une organisation fondée par le CDP, le Pacte mondial des Nations Unies (UNGC), le World Resources Institute (WRI) et le Fonds mondial pour la nature (WWF). 

Cet article a été traduit par Annie Lachance. L’article original “How to Be a Net Zero Company” est disponible ici : https://nbs.net/how-to-be-a-net-zero-company/


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