Quatre façons de rendre votre entreprise circulaire

Les entreprises peuvent prendre part à l’économie circulaire de quatre différentes façons. Voici comment choisir celle qui vous convient.

Si l’économie circulaire est le but à atteindre, il existe plusieurs façons d’y parvenir. Et les entreprises « SmartMan », « TelcoPro », « TelcoBasic » et « MaintainOp4 » en sont des modèles.

Ce sont les noms que des chercheurs ont donné à différentes entreprises de téléphones intelligents du marché européen. Les chercheurs Erik Hansen (Université Johannes Kepler) et Ferdinand Revellio (Université Leuphana et Université Johannes Kepler) ont passé quatre ans à étudier les stratégies utilisées par différents fabricants et détaillants pour favoriser l’économie circulaire. Leurs observations s’appliquent à de nombreuses industries[1].

Pourquoi adopter un modèle circulaire? Beaucoup disent que l’économie circulaire est l’avenir du développement durable. En effet, l’économie circulaire permet de conserver les matériaux et les produits utilisés en les réparant, en les réutilisant et, pour finir, en les recyclant. Les produits usagés ne deviennent pas de simples déchets, comme dans l’économie « linéaire » traditionnelle, mais une ressource précieuse.

L’économie circulaire profite à la société et à l’environnement et crée de nouvelles occasions d’affaires.

Quatre façons de rendre votre entreprise circulaire

Les chercheurs ont déterminé quatre stratégies permettant de prendre part à l’économie circulaire, soit « fabriquer », « former des alliances », « acheter » et « ne rien faire ». En d’autres termes, les entreprises peuvent 1) renforcer leurs capacités internes (« fabriquer »), 2) « former des alliances » avec des organisations ayant une expertise circulaire, 3) « acheter » des services circulaires à d’autres entrepreneurs (externalisation), ou (4) « ne rien faire », soit laisser des fournisseurs circulaires indépendants offrir des services à leurs clients.

Ces stratégies représentent différents niveaux d’investissement dans l’économie circulaire. « Fabriquer » signifie une intégration complète dans le modèle d’entreprise. « Former des alliances » demeure une approche stratégique, tandis qu’« acheter » est davantage axé sur la conformité.

Les différentes stratégies permettent également différents types d’activités circulaires. Les activités circulaires avancées, comme la réparation et la réutilisation, nécessitent qu’une entreprise soit prête à « fabriquer » ou à « former des alliances », notent les chercheurs. « Vous pouvez difficilement externaliser un service de réparation dans le cadre d’une transaction sans lien de dépendance, car cela est trop complexe et spécifique, en comparaison avec le recyclage, qui est normalisé, » a expliqué M. Revellio au REDD.

Le graphique illustre les quatre différentes stratégies.

Cet article présente les différents modèles et explique la valeur stratégique de chacun d’entre eux dans le cadre de l’économie circulaire.

Quatre entreprises montrent différentes façons de prendre part à l’économie circulaire

Voici les stratégies adoptées par quatre entreprises de téléphones intelligents : fabriquer, former des alliances, acheter et ne rien faire.

« Fabriquer » : SmartMan renforce ses capacités internes

Pour SmartMan, un fabricant allemand de téléphones intelligents de niche, l’économie circulaire constitue une compétence essentielle et la clé du positionnement de la marque.

Activités circulaires : SmartMan a commencé par rendre ses téléphones plus faciles à réparer et par proposer des pièces de rechange à prix raisonnable ainsi que des services de réparation à l’interne. L’entreprise prolonge la durée de vie du produit en renforçant la relation entre l’utilisateur et le produit, notamment en soutenant les réparations à faire soi-même grâce à des manuels de réparation en ligne. Elle a été la première à mettre en place un système de dépôt pour augmenter le taux de retour des téléphones. SmartMan réusine ainsi les téléphones retournés et les revend à des clients ayant des exigences de performance moins élevées.

SmartMan exécute la plupart de ses activités d’économie circulaire à l’interne mais a engagé un spécialiste de la logistique inverse à but non lucratif pour se conformer à la réglementation européenne en matière de recyclage. Le personnel de SmartMan renforce ses capacités internes en participant à des formations sur l’économie circulaire et en embauchant des spécialistes de l’économie circulaire.

Valeur stratégique : L’accent mis par SmartMan sur l’économie circulaire et le développement durable est devenu sa compétence essentielle et sa proposition de vente unique. L’entreprise tire également des revenus de la vente de pièces détachées, des services de réparation internes et des activités de recommercialisation, évoluant ainsi vers un système de produit-service.

« Former des alliances » : TelcoPro établit des partenariats stratégiques et prend des participations

TelcoPro est l’un des plus grands opérateurs de télécommunications en Allemagne et suit une stratégie circulaire fondée sur des relations étroites.

Activités circulaires : TelcoPro propose des services circulaires tels que la maintenance, la réparation limitée et la remise à neuf (p. ex., écran brisé) ainsi que le recyclage. Pour offrir ces services, TelcoPro s’appuie sur un réseau solidaire d’entreprises spécialisées dans la réutilisation, la réparation, le recyclage et la revente de produits électroniques. TelcoPro a acheté ou investi dans des entreprises pionnières en matière de maintenance, de réparation et de recyclage de matériel électronique. L’entreprise propose également des bons et des rabais à ceux qui retournent des téléphones usagés.

Valeur stratégique : Les services circulaires fournis répondent à la demande des clients et renforcent leur fidélité. Par exemple, un client qui a brisé son écran peut facilement le faire réparer. Le programme de réparation est particulièrement bien accueilli par les clients et a permis à l’entreprise d’augmenter sa part de marché.

Lorsque TelcoPro a commencé ses efforts circulaires, les services qui devaient atteindre des objectifs de vente craignaient de cannibaliser le modèle de l’entreprise axé sur les ventes. Mais en investissant dans des entreprises qui effectuaient un travail circulaire, TelcoPro a créé un argument commercial solide pour ces activités, au-delà de la réputation et de la RSE. Les activités circulaires ont pris tout leur sens sur le plan financier, car elles permettent à TelcoPro de protéger sa part de marché et d’accéder à de nouveaux marchés (par exemple, la vente de téléphones remis à neuf).

Les deux entreprises décrites jusqu’à présent, SmartMan et TelcoPro, exécutent un vaste éventail d’activités d’économie circulaire, soit à l’interne (« fabriquer »), soit par l’entremise de partenariats étroits (« former des alliances »). Dans les modèles de participation à l’économie circulaire consistant à « acheter » et « ne rien faire », l’éventail des activités rétrécit, et elles se déroulent à plus grande distance de la société de téléphones intelligents.

« Acheter » : TelcoBasic achète des services circulaires de base à des organismes sans but lucratif

Activités circulaires : TelcoBasic est un grand opérateur de télécommunications allemand. Sa principale activité d’économie circulaire consiste à demander aux utilisateurs de faire don de leurs vieux téléphones portables et à payer un organisme sans but lucratif qui les récupère. Ce dernier recycle les téléphones et en revend un petit pourcentage. La relation de TelcoBasic avec cet opérateur de recyclage repose simplement sur un contrat.

Valeur stratégique : Cette approche consistant à « acheter » signifie que l’entreprise limite son engagement dans l’économie circulaire. Elle s’apparente essentiellement à une initiative de responsabilité sociale des entreprises (RSE) plutôt qu’à une stratégie financière. TelcoBasic améliore son image en s’associant avec des organismes caritatifs jouissant d’une solide réputation sociale et environnementale, qui bénéficient financièrement de cette association. De plus, TelcoBasic réduit ainsi certains de ses coûts de conformité en matière de recyclage.

« Ne rien faire » : les entreprises extérieures comblent le vide

Certains fabricants ou détaillants ne participent pas directement à l’économie circulaire. Ils adoptent une approche fondée sur la « vente d’abord », soit la vente de nouveaux téléphones. Ils continuent de suivre un modèle d’affaires traditionnel de création et d’élimination de produits, sans intégrer eux-mêmes aucune activité circulaire.

Ironiquement, cette approche crée un vide que d’autres entreprises ont choisi de combler. Des entreprises extérieures indépendantes ont ainsi décidé de fournir les services de maintenance et de réparation demandés par les clients. Ces fournisseurs n’ont aucun lien avec les fabricants et ont souvent du mal à trouver les pièces de rechange nécessaires ou des conseils sur les réparations.

Valeur stratégique : Dans ce cas de figure, les fabricants de téléphones intelligents perdent la valeur potentielle des activités circulaires telles que la réparation, la réutilisation, la revente et la remise à neuf. Les clients paient d’autres entreprises pour fournir ces services. En outre, les fabricants de téléphones intelligents perdent des informations utiles, tandis que les entreprises extérieures acquièrent souvent une connaissance approfondie de la durabilité des produits et des préférences des clients.

Tirer profit de la valeur circulaire pour votre entreprise

Voici le message principal des chercheurs : presque toutes les entreprises peuvent profiter de l’économie circulaire, mais vous devez être bien positionné. « Réfléchissez à votre position dans la chaîne de valeur circulaire, et à la possibilité de réaligner votre stratégie, dit M. Revellio. Voulez-vous rester un fabricant ou étendre votre champ d’influence? »

Pendant longtemps, le statu quo a été de ne rien faire. « Les fabricants préféraient de ne rien faire concernant la circularité de leurs produits et services, explique M. Revellio. Ils n’y voyaient aucune valeur stratégique. »

Mais on observe aujourd’hui une tendance vers les approches plus ambitieuses telles que « fabriquer » et « former des alliances ». Les entreprises choisissent d’effectuer des activités d’économie circulaire à l’interne (également appelé intégration verticale) ou de former des alliances avec des partenaires. « De plus en plus d’entreprises prennent conscience de la valeur stratégique qui se cache derrière les activités circulaires, explique M. Revellio, notamment les activités visant à prolonger la durée de vie des produits, comme la réparation et la vente d’occasion (réutilisation). »

Si votre entreprise a choisi d’« acheter » (externalisation) ou de « ne rien faire », envisagez plutôt de « former des alliances » ou de « fabriquer ». Le changement est tout à fait possible. Par exemple, sur le marché européen des téléphones intelligents, Samsung a commencé à proposer un bus de réparation mobile qui se rend au domicile des clients et répare les téléphones sur place. L’économie circulaire prend son envol, avec des occasions d’innovation, de profit et d’impact environnemental positif.

« La transition vers l’économie circulaire a commencé, note M. Revellio. En vous y préparant dès maintenant, vous pouvez augmenter la part du gâteau circulaire pour votre entreprise ».

[1] Les chercheurs ont étudié le secteur de l’électronique à titre d’exemple, mais d’autres secteurs – notamment l’emballage et l’automobile – présentent des stratégies similaires. Un article de suivi donnera d’autres exemples.

Lisez l’article : Hansen, E.G. et Revellio, F., 2020. Circular value creation architectures: Make, ally, buy, or laissez‐faire. Journal of Industrial Ecology, 24(6), pp.1250-1273.

À propos de l’autrice :

Alisha Tuladhar est chercheuse doctorante à l’école de gestion de l’université de Bath, au Royaume-Uni. Ses recherches portent sur l’économie circulaire, les modèles d’affaires de l’économie circulaire et l’entrepreneuriat. Elle s’intéresse à la manière dont les entreprises collaborent avec les entreprises en démarrage, intègrent les principes de l’économie circulaire et créent des retombées positives dans la société et sur l’environnement. Elle a également été sélectionnée comme l’un des pionnières de l’économie circulaire dans le cadre du programme d’apprentissage phare de la Fondation Ellen MacArthur, From Linear to Circular en 2019.