Les bâtiments écologiques sont rentables

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Les arguments économiques en faveur des bâtiments écologiques sont convaincants. Mais les frais de conception et les longs délais de construction constituent un obstacle de taille.

Les bâtiments écologiques sont clairement rentables.

C’est le message qui ressort de l’étude la plus complète réalisée à ce jour sur le coût marginal de la construction écologique, axée sur le marché de l’immobilier commercial au Royaume-Uni.

Les chercheurs ont comparé 336 bâtiments certifiés écologiques à quelque 2 000 projets de construction non certifiés construits entre 2003 et 2014, en comparant les projets en fonction de leur date de construction et de leur emplacement.

Ils ont constaté que les coûts de développement des bâtiments écologiques sont en moyenne 6,5 % plus élevés. En revanche, ils se louent de 13,3 % à 36,5 % plus cher.

« Les bâtiments écologiques présentent un avantage évident pour les promoteurs, les investisseurs et les prêteurs ainsi que les propriétaires-occupants », a déclaré Nils Kok, membre de l’équipe de recherche avec Andrea Chegut et Piet Eichholtz. Nils Kok est professeur associé à l’Université de Maastricht et économiste en chef de la société d’évaluation immobilière GeoPhy.

Nils Kok a discuté avec le REDD en compagnie de Jonathan Flaherty, directeur principal du développement durable et des services publics chez le promoteur immobilier Tishman Speyer à New York.

MM. Kok et Flaherty sont d’accord : la construction écologique est sensée sur le plan économique, cependant elle comporte des coûts initiaux, notamment en ce qui concerne les frais de conception et les délais de construction. Il n’est pas certain que ces coûts diminueront de sitôt.

Les arguments économiques en faveur des bâtiments écologiques sont importants

Les bâtiments écologiques visent à avoir un impact positif sur l’environnement naturel de par leur conception, leur construction et leur fonctionnement. C’est un objectif important : les bâtiments et la construction représentent 39 pour cent des émissions mondiales de carbone.

Pourtant, les bâtiments verts ne représentent qu’un faible pourcentage du parc immobilier total. Par exemple, en 2019, 13,8 pour cent du parc de bureaux commerciaux des 30 plus grands marchés immobiliers américains étaient certifiés écologiques.

« Pour convaincre les gens d’agir, il faut montrer les vraies données, explique M. Flaherty. Cette [étude] offre la preuve nécessaire pour convaincre son comité d’investissement de lui permettre de dépenser 5 % de plus en honoraires de conception, parce que cela augmente le rendement réel des loyers. »

La construction écologique offre une valeur globale, malgré les variations

Selon M. Kok, l’analyse de rentabilité des bâtiments écologiques devrait s’appliquer à la plupart des marchés développés. « Que ce soit à Londres, New York, Singapour, Sydney ou Toronto, des études montrent que les bâtiments certifiés écologiques se vendent à des prix légèrement plus élevés, se louent à des taux légèrement plus élevés et ont généralement un taux d’occupation légèrement supérieur. » (Il a précisé que sur les marchés émergents, les bâtiments écologiques peuvent avoir des coûts et des rendements différents, les dynamiques de marché étant différentes.)

« Le taux d’occupation supérieur des bâtiments verts est particulièrement intéressant pour les promoteurs », affirme M. Flaherty. Pour ce qui est des bâtiments écologiques de son entreprise, « nous sommes beaucoup plus intéressés par la rapidité [de location] que par le montant réel du loyer en soi. Nous pensons qu’il est beaucoup plus intéressant pour nous de ne jamais avoir d’espace vacant ».

Alors que le coût supplémentaire moyen pour les bâtiments écologiques est de 6,5 %, les coûts précis seront différents selon les projets. « Les coûts de développement varient considérablement selon les différents marchés, même à l’intérieur des États-Unis », explique M. Flaherty. Les marchés du travail – p. ex., participation des syndicats – et l’accès aux matériaux sont différents selon les endroits. Par conséquent, les bâtiments dans différentes villes, même s’ils sont « strictement identiques jusqu’au dernier clou », seront construits « par des corps de métiers différents et selon des séquences et des méthodes différentes ».

Les niveaux de certification ont des impacts différents

Les coûts de construction varient également en fonction du niveau de certification écologique. Les chercheurs ont étudié les bâtiments certifiés BREEAM, le système de certification environnementale le plus largement adopté au Royaume-Uni. Comme de nombreuses certifications de bâtiments écologiques, le programme BREEAM comporte plusieurs niveaux, de Passable à Exceptionnel.

La plupart des bâtiments écologiques au Royaume-Uni – 82 % – sont classés Très bon ou Excellent selon l’échelle BREEAM. Leur construction est de 5 % à 19 % plus coûteuse que celle des projets non certifiés. En revanche, les bâtiments aux niveaux les plus bas de la certification verte BREEAM (Bon et Passable) ne présentent pas de surcoût environnemental. La « prime verte » que les bâtiments certifiés peuvent atteindre augmente également avec le niveau de certification, a noté M. Kok.

Les coûts de construction écologique initiaux constituent un obstacle

Les chercheurs ont constaté que les coûts plus élevés de construction écologique proviennent de deux éléments de coût de construction spécifiques, soit 1) de la conception et 2) des équipements et des finitions, tels que l’éclairage et les matériaux de revêtement de sol. Les coûts de conception des bâtiments écologiques sont 32 % plus élevés que ceux des bâtiments conventionnels, tandis que les coûts des équipements et des finitions sont supérieurs de 32 % et de 28 %.

Bien que les frais de conception ne représentent que 3 % du coût global des bâtiments écologiques, ils constituent, selon les auteurs, un obstacle particulier à la construction écologique. Les promoteurs paient les frais de conception dès le début du projet, alors que son succès final est incertain.

« Au bout du compte, les frais de conception ont un impact disproportionné sur les pratiques de construction, a déclaré M. Kok au REDD. Pour les promoteurs, c’est comme si on leur disait : “C’est ce que je paie d’avance avant d’obtenir un prêt à la construction – j’investis mon propre argent dans des travaux de conception et un plan que je peux ensuite présenter aux locataires, aux investisseurs ou aux propriétaires occupants potentiels pour qu’ils retirent ce bâtiment de mon bilan” ».

Les chercheurs ont également constaté que la construction de bâtiments écologiques prend 11 % de temps en plus que la construction d’un bâtiment conventionnel de taille comparable. Les constructeurs doivent donc attendre plus longtemps les flux de trésorerie provenant des locations ou de la vente du projet. Pour le promoteur, le taux de rendement interne (TRI) d’un projet certifié vert est inférieur de 2,6 % (sur une base relative).

Les coûts de conception écologique sont-ils appelés à diminuer?

M. Kok pense que l’apprentissage et la concurrence finiront entraîner une baisse des coûts de conception et des délais de construction. Il compare ces défis aux services-conseils en construction écologique : « Ce service est passé d’une activité spécialisée et coûteuse à un service que de nombreux acteurs du marché peuvent maintenant offrir. Et je pense qu’il en va de même pour la conception et la construction. Il est de plus en plus courant d’intégrer l’efficacité énergétique et d’autres caractéristiques durables dans la conception, mais cela ne fait que commencer. Ce ne sont pas tous les architectes et bureaux d’études qui sont compétents dans ce domaine. »

« La profession de la conception ne changera pas du jour au lendemain, a ajouté M. Kok. C’est un vaste domaine. Les gens suivent des formations continues, mais certaines de ces notions sont assez nouvelles. Mais pour moi, il ne fait aucun doute que les coûts finiront par baisser, car la conception écologique ne devrait pas coûter plus cher. »

M. Flaherty est moins optimiste quant à l’adoption de nouvelles approches. La conception et la construction écologiques sont compliquées, dit-il, et les domaines concernés – l’architecture et l’ingénierie – ne sont pas structurés pour relever le défi. « L’architecture et l’ingénierie sont des secteurs très fragmentés, avec de nombreux propriétaires uniques, dit-il. Il est vraiment très compliqué de concevoir un immeuble de bureaux LEED platine d’un million de pieds carrés. Les cabinets d’architecture et d’ingénierie mécanique habituels ne sont pas en mesure de construire une façade à triple vitrage ou un système de récupération de chaleur ou un nombre quelconque d’[éléments verts] ».

Il prédit que la diffusion de ces connaissances prendra du temps : « Les petites entreprises n’ont pas la trésorerie nécessaire pour permettre aux gens d’assister à des conférences et de passer des heures à participer à des séminaires et à des formations en ligne ».

La construction écologique profite aux occupants autant qu’aux promoteurs

Au-delà du rendement financier, la construction écologique présente des avantages pour la santé des occupants, a constaté M. Kok dans d’autres recherches. Les bâtiments écologiques ont une meilleure qualité de l’air – par exemple, des matériaux qui ne dégagent pas de gaz – et stimulent les occupants à se déplacer, par exemple avec des escaliers accessibles.

Ces conclusions sur le bien-être des employés peuvent être particulièrement pertinentes aujourd’hui. « Avec la pandémie de COVID-19, cette notion de santé et de bâtiments prend une place centrale, selon M. Kok. D’un côté, les bâtiments sont une cause [de la propagation]; d’un autre côté, ils peuvent être un mécanisme de prévention. »

« Si nous appuyons sur les mêmes boutons d’ascenseur ou si nous nous asseyons trop près les uns des autres, cela pourrait propager la maladie. Par contre, les bâtiments qui ont une filtration d’air de haute qualité, ce qui est généralement le cas des bâtiments écologiques, peuvent vraiment influencer votre santé. Je pense qu’après la COVID-19, de plus en plus d’entreprises diront : “Si nos employés reviennent travailler dans les bâtiments – ce qui finira par se produire un jour - comment pouvons-nous nous assurer qu’ils restent en bonne santé?” »

Lisez la recherche

Chegut, A., Eichholtz, P. et Kok, N. 2019. The price of innovation: An analysis of the marginal cost of green buildings. Journal of Environmental Economics and Management, 98, (accès gratuit)

Blogue de Nils Kok


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